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Être le levain de demain
«Comment j’imagine l’Église de demain?
Un peu comme une mère dont les enfants sont partis du nid: elle doit se retrouver, savoir ce qu’elle aime, être consciente de sa valeur.» Enseignante depuis 2004, Mélanie a exploré différentes façons de transmettre, jusqu’à ressentir un besoin urgent de transmettre aussi ce qui l’anime. Un pèlerinage sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle lui permet de se recentrer et de renouer avec sa vocation: «Ma foi était toujours là, mais je l’avais mise de côté. Après cette expérience, tout me touchait. Je sentais une urgence: sortir de ma coquille ! » En 2021, elle entame une année de discernement, en parallèle, elle prend la responsabilité d’un module à l’école avant de se lancer pleinement au CCRFE trois ans plus tard, avec le désir de mettre ses compétences au service d’une Église où chacun et chacune peut trouver sa place.
À l’heure où l’Église se remet en question et se réinvente, comment rester fidèle à sa tradition tout en étant en dialogue avec une société dont elle n’est plus au centre? Selon Mélanie, qui a récemment rejoint l’équipe des Franches-Montagnes en tant qu’animatrice, il est nécessaire de repérer les points qui font que nous sommes chrétiens. Ces repères servent
de guide, mais tout autour, il y a de la place pour l’invention. «Je pense que les limites rendent créatif. Il ne tient qu’à nous de créer une Église qui touche et fait sens», exprime-t-elle. Toutefois, même si elle se réjouit de la naissance de différentes initiatives au travers de petits groupes, elle redoute un repli identitaire: «Ce que je n’aimerai pas pour l’Église de demain, c’est qu’un communautarisme où l’autre est rejeté s’installe. Parce qu’on est moins nombreux, on voudrait peut-être s’affirmer plus, alors que le principal de la foi, c’est ce qui se passe à l’intérieur de soi.» Jésus utilisait le levain pour montrer qu’il n’est pas nécessaire d’être nombreux pour avoir un grand impact dans le Royaume de Dieu. Ce qui est petit et discret peut agir profondément. Pour Mélanie, le défi se dessine: préserver l’essentiel de la foi tout en laissant libre cours à la créativité et à l’audace. Une Église vivante, ouverte et inventive, où chacun peut être ce «levain» capable de transformer, même en douceur, la vie de ceux qui l’entourent. «Et j’ai des exemples partout autour de moi», ajoute-t-elle.
«Quand on va à l’église ou que l’on prie,
c’est du temps gratuit, un temps qui n’a pas besoin d’être rentable ou directement utile ». Pour Mélanie, l’Église de demain serait un lieu où l’on prend le temps de ralentir et d’être ensemble. Elle rêve d’un « troisième temps », distinct du temps du travail et des loisirs, un temps de rencontre, de fête et de respiration, comme elle le vivait enfant: «La foi quand j’étais enfant, c’était la fête!» Un souffle qui permet de se poser. Les églises ou les rencontres en Église sont pour elle comme des points sur une droite: des repères stables dans une ville, un village ou une vie, qui invitent à marquer une pause et à se recentrer, offrant à chacun et à chacune un espace pour se reconnecter à soi, aux autres et à l’Autre.
Enseignante de mathématiques au collège à Bassecourt, Mélanie compare la vie à un cercle qui tourne, parfois touché par une tangente: un point de rencontre entre le quotidien et la foi, à travers une fête, une célébration ou une rencontre. Un instant où la routine se suspend pour laisser place à la présence à soi et à l’autre.
L’Église de demain ne sera plus aussi imposante qu’elle a pu l’être par le passé, mais si chacun devient levain dans sa communauté, en apportant sa présence, sa créativité et son engagement, elle n’en sera que renforcée. Et si les petites initiatives,
les rencontres de proximité et les gestes
simples devenaient le souffle qui fait vivre et grandir l’Église?
Coralie Staecheli
Rédactrice responsable
du magazine solstices