La sainte famille de Bethléem…
Tu sens l’Orient, Bethléem : tes murs exhalent les arômes mystérieux de ton lointain passé. Tes couleurs sont tendres comme celles de nos berceaux ; un voile pudique recouvre tes maisons, tes champs, tes enfants et filtre les scories de ton histoire. De toi ne nous parvient, comme d’un défunt parent, que les souvenirs bénis de la douceur d’hier et des musiques enchanteresses, à ce point angéliques qu’elles bercent encore nos jours, apaisent encore nos songes...
Bethléem : « la maison du pain » ! Ton nom évoque l’abondance, la satiété. Ta vocation est celle d’être nourrice ! «La maison du pain» : un beau thème pour ce lieu d’idylles et de promesses !
Mais quelle amertume, lorsqu’en foulant tes rues, nos pieds brisent ces rêves ; ta blanche farine regorge de grumeaux, déposés par cette foule de faux amants, séduits par ta beauté, qui n’ont cherché à conquérir ton cœur que pour mieux t’acquérir et disposer du sang de tes innocents.
Bethléem souillée, salie, barricadée… voici plus de deux mille ans qu’on se joue de ton destin, qu’on te démunit de ton pain… On t’honore comme ville de l’unique Nativité, on vante ton taux de natalité, mais les femmes continuent à enfanter à l’étable, dans l’inconfort et l’insécurité, entre deux temps d’exil, envisageant l’avenir comme des bêtes traquées.
Didier Berret, diacre
QJ, Page «Débat», rubrique «Esprit» - 27 décembre 1997