Noël !... «une fois de plus» dit le vieil homme excédé, «ça fait bientôt le 90ème que je passe... Demain je vais mourir et le monde reste le monde... alors tu vois petit, pour moi, Noël, je ne vois pas ce que ça change...»
Il me tracassait le grand-père, au fond c’est vrai, quelque part il avait raison : le monde reste le monde et cette année comme les autres, Noël sera suivi du 26 puis du 27... et le vieil homme mourra, comme tous les autres, et puis moi aussi... et le monde continuera de tourner sans nous... alors, à quoi bon fêter ?
- Grand père...
- quoi petit ?
- tu te souviens quand tu es né ?
Ses yeux s’allumèrent... c’«était le 9 avril 1903... il paraît que ce jour-là, la neige tombait à gros flocons. Mon père était parti à la ville pour vendre un petit cochon. Ton arrière-grand-mère préparait le repas, et puis elle eut mal... elle avait l’habitude, j’étais le onzième... c’est alors...»
Il était remonté pour 2h. Il racontait avec beaucoup de détails... ses mains gesticulaient, ses lèvres riaient...
Moi j’écoutais cette histoire pour la 100ème fois au moins... toujours les mêmes mots, la même musique dans sa voix...j’aimais bien et je souriais en moi-même : sans le savoir, il était en train, de donner une réponse à ma question : Noël c’est ça... l’histoire d’une naissance... le monde ne change pas ? mais si... j’ai eu une fille cet été, ma vie n’est plus la même...
On s’étonne toujours de devoir mourir... une fois dans l’année, on peut bien s’arrêter un peu pour s’étonner d’être né !

Didier Berret, diacre