De nombreux Jurassiens se sont rendus en nombre à Genève pour participer à la messe célébrée par le pape François : en voiture, en train ou en car, ils étaient plus de 200 à Palexpo… et pas tous assis en face à l’autel pontifical. Parmi les 40 chanteurs de la chorale, comme dans les centaines de bénévoles et les prêtres présents à cet événement, le Jura pastoral était aussi représenté. Retour en photos sur cette longue journée de « pèlerinage » au bout du lac Léman.

Au matin du jeudi 21 juin, ils sont plus de soixante dans le car à deux étages au départ de Porrentruy et une bonne quarantaine dans un second véhicule affrété à Courtételle, tous à destination de Genève pour participer à la messe présidée par le pape François.
Ce pèlerinage « par la route » a été mis sur pied par Sébastien Brugnerotto, animateur pastoral dans l’UP de l’Eau-Vive, en Ajoie : « Au départ, je pensais remplir un seul car et finalement j’ai commandé plus de cent billets d’entrée. L’avantage d’être nombreux, c’est que ça permet de réduire le prix du voyage. Si l’évènement ne se déroulait pas en semaine et en pleine période d’examens, il y aurait peut-être eu plus de participants. Il y a aussi des gens qui craignaient de rester debout tout l’après-midi, faute de chaises. »

« Vous avez un couteau suisse ? »
A midi, les deux autocars se garent côte à côte sur l’aire de repos de Bavois, entre Lausanne et Yverdon-les-Bains, où chacun peut se dégourdir les jambes et prendre le temps de manger sur le pouce… autour d’une des tables fixes à disposition des voyageurs, Marie-Louise Courvoisier-Bilanda sert un vrai repas traditionnel camerounais à ses hôtes, dont l’abbé Alphonse Nkadi, et les Sœurs Lucie et Marie, deux religieuses de Saint-Paul : « Vous devez tout goûter ! Il y a du poisson, du poulet, des crevettes, du manioc… et du piment ». Un festin tiré du sac avec vue ensoleillée sur la plaine de l’Orbe.
Pas de bouchon sur l’autoroute ni d’attente pour stationner les cars près de Palexpo. A l’entrée du complexe, il y a bien une douzaine de stations de sécurité avec tapis roulant et portique de détection, mais les contrôles sont plutôt légers, un coup d’œil dans le sac à main et une question récurrente : « Vous avez un couteau suisse ? »

Avec le drapeau jurassien
A partir de là, afin de rester ensemble, le groupe suit le diacre Pascal Marmy, « le grand avec sa casquette rouge », ou Michel Péquignot, le concierge de l’hôpital de Saignelégier, qui ne cesse d’agiter son étendard rouge et blanc : « Je ne sors jamais sans mon drapeau jurassien, même pour une messe ! »
Sur les écrans géants, les interventions du pape au Conseil œcuménique des Eglises (COE) à Genève sont sous-titrées en français : « Chers frères et sœurs, j’ai voulu venir ici en pèlerin à la recherche de l’unité et de la paix ».
Il y a de plus en plus de monde qui s’installe et, plus on s’approche de la « scène », plus les chaises inoccupées sont convoitées.
« Il y a même des Jurassiens ! » lance Mgr Alain de Raemy… aussitôt une clameur se fait entendre en écho dans la halle 5 de Palexpo. C’est que l’évêque auxiliaire du diocèse Lausanne, Genève, Fribourg (LGF) a à charge de « chauffer » la salle, pour reprendre l’expression utilisée dans le monde du spectacle.

Accueil digne d'une "rock star"
Peu avant 17 heures, lorsque le pape, debout sur son véhicule électrique, apparaît au fond de la halle et simultanément sur les tous les écrans géants, la foule se lève comme un seul homme dans un tonnerre d’applaudissements. Debout sur leur siège (finalement tout le monde a pu s’assoir), chacun tente d’apercevoir et de saluer le souverain pontife. Un véritable accueil de rock star, avec ses cris et ses larmes.
Aussi discrètes que petites, Sœur Lucie et Sœur Marie, n’osent pas grimper sur leur chaise : entre un écran géant et le mouvement de la foule, les deux religieuses de Saint-Paul tentent désespérément d’entrevoir le pape : « on aurait dû s’installer près des barrières », soupire Sœur Lucie…
Alors que la papamobile disparaît après avoir longé toutes les allées, Marie-Louise réapparait, le visage rayonnant : « J’ai vu le pape ! Il est passé juste à côté de moi. Je suis tout émue, c’est fantastique ! »

Les trois « P » : père, pain et pardon
Au cours de la célébration, le Souverain pontife entame son homélie autour de trois mots-clés du « Notre Père » : père, pain et pardon. Pour François, ces trois « P » nous mènent au cœur de la foi en développant les valeurs du pardon. « Attention à qui spécule sur le pain ! La nourriture de base pour la vie quotidienne des peuples doit être accessible à tous ». A travers ce message, le pape rappelle que le pain est l’aliment de base pour vivre et qu’il y a encore beaucoup de monde qui en manque cruellement. « Le pain suffit pour vivre » ajoute François, « Pour retrouver le courage du silence et de la prière, cruciale dans une époque saturée d’informations superflues ». A noter que le pape François a célébré une partie de la messe en français.

« Les branches n’ont pas tenu le choc ! »
Au terme de cette magnifique célébration, sortir de Palexpo n’a pas été simple : plus de 30'000 personnes en mouvement, des passages étroits et encombrés, des grillages et des escaliers… difficile pour certains de garder leur calme dans cette foule compressée…
Finalement, les Franc-Montagnards, les Delémontains et les Ajoulots se sont retrouvés près des cars. Sébastien Brugnerotto a alors distribué les casse-croûtes qu’il avait stockés dans la soute, boissons comprises : « Dans des caisses isolantes, les sandwichs sont restés frais, il n’y a que les branches qui n’ont pas tenu le choc au chaud ! »

Selon le Service diocésain de la communication, ce sont finalement plus de 37'000 fidèles et participants issus de la Suisse entière et de France voisine qui ont vécu cette messe avec la communauté catholique locale et de nombreux représentants d’autres confessions et religions invités à cette célébration, ainsi que des membres des autorités civiles du pays, dont la conseillère fédérale Doris Leuthard.

Au lendemain de la messe avec le pape François, le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg a publié quelques chiffres sur cette organisation exceptionnelle. Le défi logistique à relever en trois mois était de taille. Le défi financier l’est tout autant avec un coût total de 2,2 millions de francs.

La messe, c'est:

• 526 concélébrants (en plus des célébrants sur l’estrade).
• 50’000 hosties, faites et offertes par des sœurs fribourgeoises : les cisterciennes de la Maigrauge, les capucines de Montorge, les dominicaines d’Estavayer-le-lac. Ce qui équivaut à la consommation de 5 mois à la Basilique de Genève. 
• 144 points de communion à travers les 3 halles de Palexpo.
• 500 patènes (petits bols pour hosties) provenant de Taizé.
• 300 bénévoles entre 16 et 84 ans, qui parlent 30 langues différentes, qui ont réussi à se libérer pour plus de 20 heures de travail ! 
• 40 chanteurs et 9 musiciens du diocèse et ailleurs en Suisse (Vaud, Genève, Neuchâtel, Fribourg, Valais, Bâle).
• Les aubes de la suite pontificale viennent de l’abbaye de St-Maurice (Valais). 
• Les dalmatiques (vêtements liturgiques du diacre) viennent de l’abbaye d’Hauterive (Fribourg). On ignore combien il y a de dalmatiques, mais sûrement moins de 101. 
• Le reste du matériel liturgique (cierges, calices, etc.) vient principalement de la cathédrale de Fribourg et de la basilique Notre-Dame de Genève. 
• La statue de la Vierge sur l’estrade vient de la basilique Notre-Dame de Neuchâtel. 
• L’autel a été réalisé gratuitement par des menuisiers genevois, qui l’offriront par la suite à une communauté valaisanne pour célébrer des messes avec des jeunes. Cette communauté a quant à elle confectionné la nappe. 
• L’estrade reprend l’idée de la pêche miraculeuse, œuvre de l’artiste Konrad Witz (1444) pour la cathédrale de Genève. (Lire descriptif) 
• Parmi les célébrants sur l’estrade, deux prêtres du diocèse qui fêtent leur jubilé d’ordination : le fr. Johann Clerc, frère de la Communauté St-Jean (10 ans d’ordination presbytérale le jour même) et l’abbé Xavier Arbex, prêtre du diocèse qui vit au Pérou, où il vient de recevoir pape.
• Le pape célébrera en français et en latin, tandis que les lectures et prières universelles seront lues en sept langues (italien, allemand, anglais, espagnol, portugais, arabe, français).
• A travers Palexpo, le pape roule en voiture électrique. 
• Le 21 juin 1418, il y a exactement 600 ans, Martin V était à Genève en compagnie d’Amédée VIII (duc de Savoie et futur [anti-]pape Félix V). 
• Le 15 juin 1982, célébration d’une messe par Jean-Paul II à Palexpo. 25’000 places assises et 10’000 debout. 

La logistique autour de cette messe, c’est :  

• 50 camions poids-lourds de matériel, dont 20 uniquement pour les 40000 sièges.
• Plus aucune chaise à disposition en Suisse !
• 50 postes de contrôle de sécurité selon les mêmes normes que dans les aéroports : contrôle rayons X des bagages, liquides interdits, etc. C’est autant que l’aéroport de Genève en un jour normal.
• 2 jours pour transformer 6 hectares de halles en église pour 41000 personnes.
• 8 heures, de nuit, pour démonter toutes les installations et remettre les lieux à Palexpo au petit matin du 22 juin.
• 5 écrans géants.
• Malgré les recherches en Suisse, l’évènement étant extra-ordinaire (et concurrence de la fête de la musique, fan-zones du mondial, cérémonies de remise de diplômes, etc.), le matériel vient aussi de France, Pologne, Grande Bretagne …
• Une centaine de manutentionnaires pour installer / désinstaller tout l’aménagement.
• Une centaine de bus navette pour véhiculer tout le monde depuis les parkings.
• 2'200'000 CHF (env. 2'000'000 EUR) pour financer la messe, dont près de la moitié pour la sécurité et la gestion des flux de fidèles. Cette somme n’est pour le moment pas encore financée.