Jura Pastoral

Conférence de Martin Rose à Bienne

David, une figure fascinante… et intrigante !

Toujours en lien avec l'exposition David'Aventure, le théologien Martin Rose, professeur à l'Université de Neuchâtel et spécialisé en Ancien Testament, a donné une conférence à la paroisse St-Paul le 19 novembre portant sur David,ses représentations chez les juifs, les chrétiens, les historiens… et chacun d'entre nous.

Approcher David de manière scientifique, avec la rigueur d'un historien et la ténacité d'un archéologue, tel est l'incessant défi du professeur d'Ancien Testament Martin Rose qui a présenté sa thèse sur la figure de David en la paroisse St-Paul de Bienne. Une recherche minutieuse pour tenter de démêler faits historiques et légendes et esquisser le profil – ou plutôt les profils – du David biblique.
En comparant, en guise de préambule, le "phénomène" David à celui de Charlemagne (ndlr: qui fait l'objet jusqu'au 2 février 2014 d'une vaste exposition au Musée national de Zurich), le professeur Rose a insisté sur la persistance des légendes. Ainsi prête-t-on au grand Charlemagne, à tort, l'invention de l'école. Certes, Charlemagne (748-814) a transformé l'Europe et on lui doit beaucoup de réformes. Mais nombre de récits le concernant ont été amplifiés, au fil du temps, par l'imagination des rédacteurs. Et cela au IXe siècle de notre ère. Que dire alors du roi David, qui a vécu 19 siècles avant Charlemagne?
On le voit: débroussailler le "vrai" du "faux" est une tâche ardue, jamais complètement accomplie, mais absolument passionnante. Du reste, la notion de vérité n'est pas le propre des sources historiques, scientifiques ou littéraires… "La vérité peut être comprise dans un sens beaucoup plus large. Est vrai tout ce qui donne sens."

Mais qui était David?

Pour Martin Rose, la figure de David est aussi fascinante qu'intrigante. Ici, on découvre un David faisant preuve de retenue à l'égard du pouvoir en place, plus loin, les textes attestent d'un David combatif, prêt à tout pour se profiler sur le devant de la scène politique. Idem en ce qui concerne son rapport aux femmes: amour-passion envers Mical, adultère avec Bethsabée… Qui était David? Est-il entré au service de Saül comme écuyer, musicien ou encore en vertu de ses exploits militaires? Et puis… qui a vaincu Goliath? Selon ce que l'on peut lire dans 1 S 17,54, c'est David. Mais le second livre de Samuel (2 S 21,19) évoque un certain Elhanân…"La version la plus ancienne mérite sûrement plus de crédibilité, explique le professeur Rose. Il s'agit de considérer l'état du texte et d'étudier surtout les passages marginaux ou isolés, ceux qui n'ont pas retenu l'attention des rédacteurs".

Pourquoi une telle complexité?

Dans sa thèse, Martin Rose explique que David était le roi de deux royaumes: Juda et Israël, de traditions fort différentes et entretenant entre eux des rapports souvent conflictuels. David est oint à Hébron, dans la Maison de Juda, au sud. Au nord, dans la Maison d'Israël, le roi militaire Saül s'appuie sur son armée. Suite à la défaite totale de Saül et de ses fils, David devient le roi des deux Maisons et fait de Jérusalem la capitale de son royaume. "David a essayé de créer une identité nationale. D'ailleurs, l'étoile de David décore encore le drapeau d'Israël. Plus tard, suite à des conflits et des guerres intestines, les deux royaumes réunifiés sombrent dans la décadence. L'unité n'aura duré que deux générations!"
Au nord, les textes bibliques dénotent une attitude plus critique à l'égard de David tandis qu'au sud, David garde son aura et continue de susciter l'admiration. "Les traditions des deux royaumes se retrouvent donc conjointement dans la Bible et nous donnent des images qui peuvent être en totale contradiction."

David biblique et David historique

Tout le travail de l'historien consiste à se soustraire à tous les éléments légendaires visant à l'idéalisation. La Bible foisonne de genres littéraires très différents. Pour Martin Rose, il s'agit de s'immerger dans les textes, à l'affût de toute notice dotée d'une certaine crédibilité. Ainsi est-il fait mention du "livre des Actes de Salomon" (1 Rois 11,41). "On ne retrouve pas de notice analogue pour David", explique le professeur Rose. Dans le second Livre de Samuel (2 S 1,18), il est question du "livre du Juste", probablement une anthologie poétique de l'ancien Israël, selon Martin Rose. On retrouve encore une allusion à ce "livre du Juste" dans Josué (10,13). La parole de Josué était donc conservée dans ce recueil, aujourd'hui disparu. Il s'agissait peut-être d'un poème écrit par David ou commandité par lui. Les auteurs bibliques reprenaient des sources littéraires; sources qui, par ailleurs, peuvent être en partie reconstituées par la recherche du XXe s. Le théologien et professeur d'université allemand Leonhard Rost (1896-1979) s'est penché sur l'histoire de la succession de David (2 S 9-20; 1 Rois 1-2). On y découvre comment s'est déroulé l'avènement de Salomon et y puise des informations fiables sur David. L'histoire de l'ascension de David (1 S 16 – 2 S 5) nous montre que ce dernier n'a pas usurpé le pouvoir. Les textes s'appuient sur certains éléments historiques. Scientifiquement, l'existence de David ne peut être contestée. Les premières versions écrites remontent au VIIIe siècle avant Jésus-Christ. Avant cela, tout se transmettait oralement. "Mais la transmission orale ne signifie pas pour autant que les récits n'ont aucune valeur historique!" tient à préciser Martin Rose.

De l'image de David à notre vision de Dieu

Dans l'Antiquité, le roi représentait "l'homme devant Dieu". David faisait figure d'intermédiaire, de personnification de toute la nation. Un roi perçu aussi comme un messager, un berger ayant pour tâche de veiller sur son troupeau. Le roi est l'homme par excellence, le prêtre suprême pour son peuple. Mais David, c'est aussi l'homme coupable et pécheur, tel qu'il apparaît dans le Psaume 51, c'est encore le prophète (homme de la parole et de l'action) ou le psalmiste, à la fois poète et musicien…"Oui, l'image biblique de David est vraiment d'une complexité déconcertante, répète le professeur Rose. Tantôt prophète, musicien, berger, guerrier, roi ou encore, selon l'archéologue Israël Finkelstein…un hors-la-loi, un brigand!"
Mais il n'y a pas que l'image de David qui change. Au fil du temps, à fleur de textes, la perception de Dieu change constamment, elle aussi. D'un Dieu tout-puissant et inaccessible on en arrive à l'image d'un Dieu Père, plein de mansuétude. "La complexité de la figure de David nous renvoie indubitablement à l'image de Dieu et au respect de l'humanité dans toute sa diversité" conclut Martin Rose.

En conclusion, pris que nous sommes entre l'exigence de fidélité aux textes bibliques et l'interprétation que nous en faisons, en fonction de notre époque et de notre propre histoire, nous voici invités à nous positionner. Par rapport à Dieu. Par rapport à l'autre. Et par rapport à ce David, fascinant et intrigant, qui ne cesse de surgir en nous.

Texte: Christiane Elmer / Photo: Jean-Marc Elmer

www.fete-eglise.ch

 

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