Jura Pastoral

L'onction des malades

Le sacrement des malades : précarité et liberté

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À l'occasion de la Journée mondiale du malade, Mgr Albert Rouet, archevêque de Poitiers, nous propose une réflexion sur le sacrement des malades.

Un sacrement qui n'est pas réservé aux derniers moments de la vie comme le laissait entendre l'expression « extrême-onction », mais qui s'adresse aux personnes particulièrement atteintes par la maladie ou la vieillesse.

Si l'homme est capable d'accomplir le mal, qui relève de sa conscience, de sa volonté et de sa liberté, il rencontre aussi des malheurs devant lesquels sa liberté n'est absolument pas concernée. Comment réagir devant le malheur dont nous ne sommes pas la cause ? Ce malheur, maladie ou accident, peut provoquer en nous des réactions contraires à la foi. Nous connaissons des gens qui ont quitté l'Église et sont partis révoltés parce qu'un membre de leur famille, un ami, était décédé dans un accident ou emporté par la maladie. À l'inverse, nous savons des malades enfouis dans une résignation et une passivité qui affligent aussi bien leur entourage que le corps médical.
 
Est-ce là des attitudes qui conviennent à un croyant ? La réponse se trouve dans ce sacrement, si peu connu, si mal pratiqué, qu'on appelait hier « l'extrême-onction », et qu'on appelle aujourd'hui, plus pudiquement, encore que la dénomination ne soit pas précise, « le sacrement des malades ». C'est le sacrement qui nous permet de réagir chrétiennement devant le malheur.
 
Disjoindre le péché du malheur
 
Le sacrement des malades puise son existence dans les dernières lignes de l'épître de saint Jacques : « Si l'un des frères est malade, qu'il fasse venir les anciens de l'Église, ils feront sur son corps une onction d'huile et ils prieront pour lui... Le Seigneur le rétablira, et, s'il a commis des péchés, ils lui seront remis » (5, 14-15). L'onction d'huile est ainsi devenue un geste courant dans l'antiquité du Moyen-Orient, associé à des prières plus ou moins sacramentelles. L'époque ne permettait pas de discerner, comme aujourd'hui, ce qui était spécifiquement sacramentel de ce qui était uniquement un acte de prière. Il y avait toutefois déjà une double intuition : l'intuition que ce sacrement concernait la Création et, dans la Création, l'œuvre spéciale du Saint-Esprit.
 
Malheureusement s'est répandu en Europe ce que l'historien Jacques Le Goff appelle « l'immobilisme angoissé du Moyen Âge » : c'est la hantise du péché qui a été première. Il en est résulté deux conséquences. La première fut l'addition de trois sacrements au moment où la vie est en péril : le sacrement de la pénitence et de la réconciliation, le sacrement des malades et l'Eucharistie comme viatique. Comme ces sacrements étaient administrés au moment où la vie était en péril et que chacun ressentait l'angoisse de l'agonie, on a retardé de plus en plus la donation des sacrements. Jusqu'à retirer parfois au malade la capacité de répondre au sacrement et de faire que le sacrement, comme tout sacrement, le convertisse. C'est bien l'angoisse des derniers moments qui a fait transiter vers les ultimes secondes ces sacrements, dont le principal a pris le nom d'extrême-onction.
Seconde conséquence de cette position, l'opinion commune qui fait découler les malheurs du péché. D'où l'idée antique que si on pardonne le péché, normalement, la santé doit en résulter. Faire dépendre le malheur du péché, une réalité physique d'un mal moral, est le dernier avatar d'une explication quand l'intelligence bute sur l'incapacité à comprendre les causes du malheur. On doit affirmer clairement que l'ensemble de la Révélation biblique va à l'encontre de cette théorie. Le Christ lui-même, par trois fois dans l'Évangile, va disjoindre le péché du malheur : quand la tour de Siloé s'abat et écrase des gens (Lc 13, 4), quand Jésus dit : « On ne peut pas faire remonter le malheur de l'exécution des Samaritains à un péché qu'ils auraient commis » (Lc 13, 1-2), et enfin dans la parabole de l'aveugle-né (Jn 9, 3).

Au sujet de la Création, il n'est écrit nulle part dans la Bible que la Création fut parfaite. Elle est dite bonne, c'est déjà beaucoup. Si la Création était parfaite au départ nous n'aurions plus qu'à la subir. L'exercice de notre liberté serait réduit à l'acceptation pure et simple d'un idéal auquel nous n'aurions point participé. Pour un être libre, la perfection est à la fois donnée et accomplie par sa liberté. C'est tout le passage de l'homme image de Dieu à la ressemblance de Dieu, d'une Création bonne à l'état du Royaume qui, lui, sera parfait. L'histoire est le lieu où nous collaborons, par grâce, à la venue du Royaume.

La vulnérabilité m'apprend la confiance

Dieu nous a créés. Nous ne sommes pas Dieu. Notre être reste marqué par la non-nécessité. Je pourrais ne pas être et la face du monde n’en serait pas perturbée. Au plus profond de moi, il y a cette précarité, cette non-nécessité, qui conditionne ma vie. Essentiellement, je ne suis pas déterminé à être.

Au point de départ, la précarité est inscrite dans mon corps. Je grandis, je vieillis, je décline et je meurs. Mon corps est l’endroit où ma finitude est inscrite, où je la constate ne serait-ce que par mon vieillissement, ma fatigue, la maladie, ma vulnérabilité… Ce corps vulnérable devient l’endroit d’un choix

 
- Ou bien la vulnérabilité m’apprend la confiance. Parce que je suis précaire, ma raison de vie n’est pas en moi et ne peut-être que dans un autre, l’Esprit Créateur qui pénètre au fond de mes entrailles.

- Ou bien, au contraire, je vais refuser par résignation ou par révolte cette précarité. À ce moment-là, l’absurde de la vie s’empare de moi pour soulever en moi le rejet de la foi.
C’est pourquoi le moment du face-à-face avec la mort, le moment de la maladie grave, est un moment dangereux pour la foi.

Comment vais-je réagir ? Il ne s’agit pas d’avoir peur ou de ne pas avoir peur. La peur est un sentiment qui se commande mal. On peut faire confiance et avoir peur. Il s’agit d’autre chose de plus profond que la peur ou l’angoisse : au moment où je touche ma précarité, ma vulnérabilité, est-ce que je vais être capable, dans un sursaut, de faire confiance à Dieu ? Nous ne pouvons pas le dire tout seul. Si nous le disons tout seul, ce serait peut-être encore un dernier acte de gloriole. C’est pourquoi il faut que le Christ, qui a connu notre précarité, notre vulnérabilité, notre non-nécessité humaine, vienne en nous, nous donner son acte d’offrande.

Le sacrement des malades est donc ce sacrement, quand la vie est en péril, où le Christ nous apprend à vivre son agonie, pour dire : « Non pas ma volonté, mais la tienne. » C’est un acte éminemment trinitaire. Il n’a de sens que si je m’abandonne, comme l’Esprit du Fils le remet au Père et comme le Père donne l’Esprit à son Fils. C’est l’acte de foi et d’espérance le plus radical qu’une créature puisse faire envers le Père qui l’a créée. « Père, entre tes mains, je me remets tout entier. »

Mgr Albert Rouet
Archevêque de Poitiers
Article paru dans Catholiques en France, n°13 - Février 2006

Le sacrement à la lumière de la Bible

Tout l’Evangile nous raconte comment Jésus éprouva une compassion particulière à l’égard des malades. Il inventa des gestes de salut pour les réconforter et parfois les guérir. C’est pourquoi les malades et leurs proches, pleins de foi et d’espérance, cherchaient à le rencontrer. L’Eglise, à la suite des apôtres, a retenu cette attitude de Jésus comme une invitation à signifier particulièrement l’amour du Christ par un sacrement destiné aux malades. Par la prière, par l’imposition des mains et par l’onction d’une huile consacrée, le prêtre demande au Seigneur de fortifier le malade dans son épreuve et de le guérir –non sans compter sur la médecine- si c’est pour son bien. C’est de la sorte une étape importante de la vie humaine sur cette terre qui est sanctifiée et transfigurée, car la perspective du Royaume peut et doit illuminer les étapes, parfois douloureuses, qui y conduisent.

Cf. Mc 1,29-45  / Ac 5,12-16 / Jc 5,13-16
 
Livre d'Isaïe (Is 61, 1-3)
 
Celui qui parle ici ne se désigne pas lui-même. Il est revêtu de l'Esprit de Dieu, son message et son action visent tout particulièrement les personnes éprouvées. Pauvres, infirmes, prisonniers, désespérés découvriront à quel point Dieu les aime et veut leur bonheur.

L'esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction
Il m'a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le cœur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance et aux captifs la liberté, annoncer une année de bienfaits, accordée par le Seigneur, et un jour de revanche pour notre Dieu.

Alors, tous ceux qui pleurent, je les consolerai.
Au lieu de la cendre de pénitence, je mettrai sur leur tête le diadème ; ils étaient en deuil, je les parfumerai avec l'huile de joie ; ils étaient dans le désespoir, je leur donnerai des habits de fête.

Epître de saint Jacques (Jacq 5, 14-15)

Dans l'épreuve, le chrétien fait appel à son Seigneur, mais il peut aussi compter sur l'intercession de ses frères. Les anciens de l'Eglise sont invités à pratiquer une prière communautaire, accompagnée du signe de l'onction d'huile.

Si l'un de vous est malade, qu'il appelle ceux qui exercent dans l'Église la fonction d'Anciens : ils prieront sur lui après lui avoir fait une onction d'huile au nom du Seigneur.
Cette prière inspirée par la foi sauvera le malade : le Seigneur le relèvera et, s'il a commis des péchés, il recevra le pardon

Extraits du Rituel du sacrement pour les malades

La communauté chrétienne et les malades

Dans le corps du Christ qu'est l'Église, « si un membre souffre, tous les membres partagent ses souffrances » (1 Co 12, 26) Aussi tous les baptises ont ils a cœur de participer a ce service de charité mutuelle au sein du corps du Christ. Ce service peut prendre diverses formes : lutte contre la maladie, présence fraternelle et affection portée aux malades, témoignage et prière de la foi...
Par ailleurs, lorsqu'elle célèbre le sacrement des malades, la communauté chrétienne est appelée à reconnaître le vrai visage de Dieu qui s'est révélé à l'homme en devenant solidaire de lui jusque dans la souffrance. En même temps, elle est invitée aussi à réaliser dans ses comportements ce qu'elle annonce dans les sacrements qu'elle célèbre : attention aux malades, accueil par la communauté, partage de la souffrance et de l'espérance ouverte en Jésus Christ etc.
« Pour accomplir la loi du Christ » les chrétiens ont aussi à « porter les fardeaux les uns des autres » (Ga 6 2) A ce titre en particulier, ils se veulent solidaires des efforts entrepris par la société pour alléger le fardeau de la maladie et favoriser la santé. Aussi les communautés chrétiennes ont-elles le souci de s'interroger sur leurs propres comportements. Comment les chrétiens agissent-ils individuellement et collectivement à l'égard des malades? Quelles sont leurs attitudes au regard de la prévention, de la sécurité, des services sanitaires et sociaux ? Quelle est leur part d'engagement civique ou caritatif en faveur du bien-être et de la santé?
Auprès des malades, la famille, l'entourage et le personnel soignant, selon les cas, ont un rôle privilégié. Il peut s'exercer de multiples façons selon leurs possibilités et les situations. Trois formes d'aide fraternelle sont particulièrement importantes :
- vivre avec le malade, reconnaître les implications personnelles et familiales de sa maladie. Cette attitude d'attention bienveillante visera à comprendre, aimer, redonner confiance, soutenir l'espérance;
- susciter des liens entre le malade et ceux qui peuvent favoriser son épanouissement (prêtres sans doute, mais aussi personnes et mouvements), qui peuvent soutenir son courage et l'aider à conserver ou acquérir une part active et appropriée dans la vie de la société et de l'Eglise;
- soutenir la foi du malade, en acceptant de dialoguer librement sur les réalités de sa vie, en partageant éventuellement avec lui la Parole de Dieu, en lui facilitant la prière et l'accès aux sacrements ; par exemple en favorisant ses déplacements vers l'église ou en lui assurant à domicile le partage de la Parole et de l'Eucharistie dominicale...
On n'oubliera pas le réconfort que le sacrement de l'Onction peut apporter à un chrétien soucieux d'assumer dans la foi une vie gravement contrariée par la maladie ou l'infirmité.
Les prêtres, d'autre part, se souviendront que leur charge leur fait un devoir de visiter les malades et de leur apporter soutien. Mais pour assurer la continuité de cette action, ils auront soin de susciter dans la communauté chrétienne l'attention et l'initiative désirables.
De même, dans le respect de la discrétion, un lien entre aumôniers d'hôpitaux et prêtres de paroisses facilitera une plus grande compréhension des situations et une meilleure adaptation de l'action pastorale.
Il est encore de la responsabilité des ministres et des chrétiens d'aider les malades dans leur démarche de foi : par exemple, ils inviteront les croyants à faire appel à leur foi chrétienne, ou ils sauront éveiller les autres à la foi en fonction de leur situation concrète.
C'est en effet au cœur d'un cheminement des personnes et dans une démarche de foi que les sacrements prennent toute leur signification et sont à proposer. Ils appellent normalement une catéchèse adaptée et progressive, ainsi qu'une préparation des personnes. Dans la préparation comme dans la célébration, on aura le souci de manifester le caractère communautaire des sacrements. Dans cette perspective, on fera découvrir l'importance des sacrements de la foi, mais on évitera aussi de majorer, par zèle intempestif, l'obligation de recevoir un sacrement.
Dans tout ce dialogue pastoral, le ministre et les chrétiens auront le respect du malade, de son histoire et de la liberté religieuse. Ceci est particulièrement important en raison de l'état de dépendance de celui qui est malade.
 
Sur les chemins des malades : les sacrements
 
Le malade, atteint par l'épreuve de la maladie et luttant contre elle, est aidé de multiples manières par son entourage, le personnel soignant, et la communauté chrétienne. Parmi ces gestes d'aide et de soutien, des signes particuliers lui sont proposés, qui attestent d'une manière spéciale l'amour de Dieu pour lui et agissant en lui : les sacrements.
 
1. La visite des malades

La rencontre gratuite, de personne à personne, est pour les malades, un lieu de dialogue et d'amitié, un moyen d'insertion sociale, voire un temps de réflexion sur leur vie et de rencontre avec Dieu.

2. La communion des malades

Le malade est empêché de participer à l'assemblée eucharistique. Celle-ci, en la personne du prêtre ou de laïcs, vient jusqu'à lui pour lui apporter le réconfort de la Parole proclamée dans l'Assemblée et du Pain qui fait vivre.

3. L'Onction des malades

A ceux qui sont atteints sérieusement par l'âge ou la maladie, un nouveau signe d'espérance est proposé : l'imposition des mains et l'Onction des malades, qu'accompagne la prière de la foi, exprimée par toute l'assemblée Quand il est accueilli dans la foi de l'Eglise, ce signe est puissance de réconfort, soutien dans l'épreuve et ferment pour triompher de la maladie si Dieu le veut.

4. Le Viatique

Quand l'heure vient pour le chrétien de passer de ce monde au Père, les chrétiens entourent leur frère et prient avec lui. Pour ce passage, ils lui offrent le Pain de la Vie, Celui qui « a vaincu la mort et fait briller la vie ».

5. La recommandation des mourants

A celui qui arrive aux dernières heures de sa vie terrestre, un dernier témoignage d'amour est donné : celui d'une présence fraternelle, celui d'une prière confiante en la miséricorde de Dieu.

Extraits du Rituel du sacrement pour les malades - Pastorale et Célébrations, éditions Chalet-Tardy, 1977. Notes doctrinales et pastorales (III et IV chapitres)

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